“Variantes de la cure type” J.LACAN par M-J CORENTIN-VIGON

“Variantes de la cure type” J.LACAN par M-J CORENTIN-VIGON

Autant Brigitte a été, dés la 1ère lecture enthousiasmée par ce texte — ce qui nous a valu sa riche contribution de ce soir — autant il m’a rebuté.

J’ai du entendre et convenir de mes résistances devant ce texte qui me paraissait d’un hermétisme absolu.

Résistances à entendre avec Lacan, citant Freud dans la trame même du discours du sujet, dans les symptômes et donc les formations de l’inconscient.

Il m’a fallu pour tenter d’entendre quelque chose de ce texte, supplanter mes résistances, un détour par mes associations.

Associations qui sont venues conforter le titre proposé pour cette séquence de travail : Actualités de psychanalyse.

Titre déjà utilisé par Olivier Grignon pour un de ses articles, titre et texte que nous n’avons découvert qu’après-coup.

La 1ère association est une phrase Jean-Pierre WINTER, « chaque patient t’apprendra comment il fait mentir la théorie » autrement dit, chaque patient te confrontera à une certaine ignorance.  Ce dont parle « Variantes.. ».

La 2ème, c’est le prénom d’une petite fille, Kn, dont je n’avais plus le moindre souvenir, petite fille que j’ai associée à la phrase de Jean-Pierre WINTER.

Ce détour, pour découvrir que ce texte de Lacan, « Variantes… »  parle de clinique, malgré son coté abscons.

Ce texte ne parle que d’éthique et de clinique psychanalytique, dans un refus de la psychologie du moi et de ses identifications imaginaires, dans le refus d’un savoir figé de pédagogue ou de maître qui sait, dans la place donnée au corps qu’il ne réduit pas à une simple image dans le miroir, dans le souci « de porter la parole » qui crée les conditions de la division du sujet c’est-à-dire l’accès à son savoir inconscient.

Face aux séminaires internes au GAREFP que j’ai consultés, je n’ai retrouvé  que mes reconstructions mais l’important a été de m’approprier deux questions du texte que je vais  ré-interroger.

1- Qu’est-ce qu’une psychanalyse ? Notamment une psychanalyse d’enfant .

La cure qu’on attend d’un psychanalyste, nous dit Lacan. Oui !  Mais encore ?

2- Quel est ce rapport du psychanalyste au non savoir, à l’ignorance à la formation, la transmission, « d’un inconscient formé » ?

Deux questions abordées dans ce texte, « Variantes… », d’une brûlante actualité.

Inutile de rappeler cette montée en puissance de certaines associations de parents contre la psychanalyse, ou ce  sabotage de la dernière émission de télévision  d’Olivier  Grignon à propos de l’autisme.

Ces questions interrogent la place de la psychanalyse dans le monde, donc à la Martinique, donc au G.A.R.E.F.P.

1ère question:

Qu’est-ce que la psychanalyse ?*

D’abord, que nous dit Lacan dans ce texte ?

Etre psychanalyste, c’est se soumettre et c’est à une place de soumission consentie que nous invite Lacan.

Soumission avant tout à sa propre subjectivité.

Ce que Lacan privilégie, l’être de sujet du clinicien. Il s’agit d’être à l’école de ses états de sujet dans :

Son positionnement, qui est celui d’une rigueur éthique,

 

« Il s’agit bien d’une rigueur en quelque sorte éthique, hors de laquelle toute cure, même fourrée de connaissance psychanalytique, ne saurait être que psychothérapique » c’est se soumettre à une exigence de formalisation théorique…» P 324 »

Son écoute qui met en jeu sa responsabilité, impulse la direction de la cure.  Ecoute qui doit choisir d’entendre qui parle dans l’autre, d’entendre la logique même du discours, d’entendre les affects, vecteurs de jouissance, sans pour autant les prioriser, d’entendre les discours du corps, tout en étant à l’écoute de soi comme sujet.

 

«  …l’analyste garde entière responsabilité au sens lourd…à partir de sa position d’auditeur… le sens du discours réside dans celui qui l’écoute… »P331

Ses interprétations,  ses silences deviennent une autre façon de porter la parole. Elles relèvent toujours à cette soumission consentie à cet état de sujet qui l’autorise de sa parole, et de son acte.

Et tout cela, dans la reconnaissance du transfert et de son patient comme sujet  divisé.

C’est dans l’après-coup que l’analyste va se poser la question de savoir en quoi il été psychanalyste, comment il fait avec cette pulsion de mort.

Toutes ces soumissions, une élaboration lacanienne de notre soumission à la castration, appliquée à la psychanalyse? Après avoir repris ce que dit le texte, nous pouvons ajouter :

Qu’une psychanalyse d’adulte amène, entre autres, un sujet à ne  pas céder à son désir,  …ça amène un sujet à se débarrasser de l’imaginaire qui emprisonne et empoisonne sa vie et «  … à identifier ce tiers, sous la forme de l’objet de mon désir… ce tiers qui commande mon destin… qui est venu s’inscrire dans mon histoire… cette instance  qui est un lieu vide » Charles Melman, au dernier séminaire de novembre 2011, en Martinique, sur la topologie.

 

Quand nous nous adressons à un enfant, ou quand un enfant s’adresse à nous, nous avons à entendre, en lui, comme avec l’adulte, le sujet de l’inconscient.…

Aussi, l’éthique de la psychanalyse d’enfant n’est en rien différente de l’éthique de la psychanalyse d’adulte…

L’enfant, comme l’adulte, est soumis à la loi du langage, du signifiant, aux logiques de l’inconscient.

Inconscient qui n’est ni adulte ni enfant, ni féminin ni masculin, ni blanc ni noir… la psychanalyse avec les enfants n’échappe pas aux propos de ce texte.

Mais que se joue-t-il de particulier ou de différent avec un enfant ?

Qu’y a t-il à préserver chez eux, de constructions encore en cours ? Je pense, par exemple, aux  théories sexuelles infantiles.

Y a-t-il à privilégier davantage le langage du corps ?

Je ne parle pas de la place à accorder aux parents, qui est incontournable.

La phrase de J-P Winter  était :… l’analyste doit faire confiance à l’analysant pour que ce dernier lui apprenne ce qu’est l’inconscient…ce qui serait bienvenue serait de respecter la façon dont cette enfant va t’apprendre finalement ce qu’est une cure d’enfant.

Le premier renversement proposé par Lacan est que le savoir est du côté du patient, son savoir inconscient. C’est dans cet espace de la relation transférentielle qui met en jeu la subjectivité de l’analysant et de l’analyste que se déploient les signifiants  qui construisent la cure. Donc pas de contre-transfert, pas d’hégémonie d’un savoir de l’analyste.

 

«  Quelle que soit la dose de savoir ainsi transmise, elle n’a pour l’analyste aucune valeur formative » nous dit Lacan qui poursuit sur la transmission, et le fait que l’analyste doit être formé à ce non savoir par ses maîtres. …P 357

 

« … L’analyste … ne saurait y entrer qu’à reconnaître en son savoir le symptôme de son ignorance. » Cette ignorance n’est pas absence de savoir, mais une voie de formation de l’être…P 358

Cette phrase qui situe le savoir du coté du patient n’annule pas ma construction – chaque patient fait mentir la théorie- qui, elle, interroge l’ignorance.

Elle interroge le rapport du psychanalyste au non-savoir, son ignorance, summum du savoir, sa formation,  cette transmission, « d’un inconscient formé…

Ces questions du texte, me semblent être les questions du G.AR.E.F.P, elles posent celle de ta présence parmi nous, par le biais de la transmission, et celle de tes prédécesseurs,

Comment faire avec l’insécurité de ce non savoir ? Mais surtout, Comment l’entendre ?

Que doit donc être cette formation de l’analyste ?  Formation inscrite dans le sigle de notre appellation : Groupe Antillais de Recherche, d’Etude et de Formation Psychanalytique.

C’est en effet, pour nous, une  question récurrente, posée 1000 fois en interne, posée publiquement en 2006, lors de notre séminaire « Père y es tu ».   La question du père venant dévoiler « un dire de la structure »4,   tout comme Lacan nous signifie que le travail de l’analyste est d’entendre  ce dire sur la structure du sujet, à savoir trouver les propres paroles de son être, reconnaître son savoir inconscient, dévoiler une vraie parole qui unit analysant et analyste  en leur vérité.

Qui permette à l’un et l’autre de trouver un habitat à leur jouissance. Jouissance qui trouve sa limite dans l’éthique pour l’analyste, et un pouvoir vivre avec, pour l’analysant.

Ce volet formation a été décisif dans notre demande d’affiliation à l’I-AEP puisqu’il s’agissait pour nous, entre autres, «  de partager les questions autour de la formation du psychanalyste… d’interroger la transmission dans sa dimension d’actualité, d’actualité politique ».

L’an dernier, à Ostende, dans un séminaire Inter, nous en reparlions au travers de notre histoire.

Il faut savoir que l’histoire du GAREFP débute sur  la rencontre entre des cliniciens, ayant déjà en commun dans leur pratique, une approche psychanalytique, et deux psychanalystes membres de l’IPA qui ont assuré, transfert oblige,  analyse, contrôles et séminaires théoriques freudiens…

Cette formation de l’IPA,  qui n’est pas nommée dans le texte, mais présente, est celle que dénonce Lacan dans ses aspects imaginaires, contre-transférentielle, dans le savoir de maître….

Au fil des rencontres et des échanges, nous avons opérés au sein de l’association, un autre transfert de Freud à Lacan, autour de la question du sujet, du langage et du signifiant.

Les analyses, l’enseignement, la transmission ont été assurés par les analystes sur place, (L. Descoueyte, J. Wiltord, A. Cigonnini…mais aussi comme vous le savez, par J-P.Winter, Ch. Melman, puis toi, depuis 4 ans.

De ces changements opérés, notre dispositif de travail a privilégié un enseignement qui passe par un discours analytique à partir duquel chacun y va de son propre inconscient et de ses propres interrogations, donc de sa subjectivité. Ce à quoi nous engage ce texte, Variantes.

Notre dispositif privilégie la pratique, donc l’inconscient comme base de convocation du savoir.

C’est d’ailleurs la bande annonce de notre séminaire clinique, que nous reprenons chaque année, à cause de son actualité.

Nous nous sommes inscrits du côté de la formation du psychanalyste, soutenu par le désir d’analyste et non, comme il est dit dans notre appellation, d’une formation psychanalytique,  qui s’inscrit sur le versant de l’imaginaire et du savoir universitaire.

Désir de l’analyste qui n’est pas abordé directement dans ce texte, mais qui est déjà là, en filigrane

Nos maîtres, n’ayons pas peur des mots, n’ont jamais été invités, au titre de leur association, mais autour d’un transfert de travail. Transfert au cœur du travail analytique, transfert au cœur des Variantes.

Ce qui fait florès dans notre actualité, ce sont ces formations qui promeuvent les certitudes scientifiques, les programmes, les protocoles, mais surtout évacuent le sujet.

Josiane nous en a parlé.

C’est, sans aucun doute très confortable d’avoir une conduite à tenir. Il n’y a qu’à voir comment elles font recettes ailleurs et ici.

Est-ce ce confort qui fait qu’un formateur fasse salle comble chez nous en proposant une approche qu’il nomme clinique, mais  qui promeut l’Hypnose, les Thérapie Systémique, les Mouvements Alternatifs ?

Est-ce  la recherche du bien du patient qui soulage par exemple en Gestalt, un des axes  travail est de se faire du bien.

L’abord lacanien de la transmission de la psychanalyse promeut lui, un savoir inconscient, un savoir troué comme le langage, et nous confronte à notre manque, à la psychose comme une donnée de la structure humaine.

Nous voilà donc devant cette aporie : l’ignorance requise pour écouter un patient est le résultat d’un travail de Titan, c’est-à-dire que non seulement:

–  nous assigne à une éthique de l’élaboration et de la conceptualisation après-coup de notre travail,

–  vide le désir de savoir de sa jouissance dans la reconnaissance du manque qui le fonde et la pulsion de mort.

– nous engage au partage de notre clinique avec nos pairs, ces quelques autres dont nous parle Lacan, ce que nous sommes en train de faire.

– nous convie à la réinvention dans nos actes de soin, donc, à la réinvention de notre travail clinique, pouvons-nous oser la réinvention de notre propre inconscient ?

Avec mes images je dirai, un travail de dingue, un travail de lecture, un travail d’écriture, une approche de l’art, de la poésie…tout cela viendrait constituer une seconde peau. Seconde peau qui fait toute la place à l’inconscient, en lien avec celui du patient,  et autoriser de  l’acte analytique.

Position à l’opposé de la passion de l’ignorance dont nous parle Freud, lot commun de tout névrosé.

Les chemins qui mènent à ce non savoir, à cette ignorance summum du savoir, ne nous assurent même pas un état de grâce permanent. Comme pour le sujet, ces états de sujet ne sont présents que dans une éclipse.

Il s’agit donc de faire avec sa structure, sa   « boiterie » ; de se lancer sur des chemins de hallage, faits de rencontres toujours à  découvrir, toujours à renouveler…Il s’agit de renoncer aux moirages de la position « sachante ».

J’avais pensé : perdre son pucelage et se retrouver vierge, chaque fois.

Sauf que l’analyste ne peut jouir de son patient.

Est-ce tout cela l’inconscient formé dont il est question dans ce texte ?

De cette radicale solitude qui découle de notre travail clinique, de notre écoute analytique, quel avenir pour la psychanalyse, tellement décriée en ce moment, à la Martinique, au G.A.R.E.F.P ?

Quelles politiques mettre en œuvre pour l’avenir?

Autant de questions qu’il nous faudra aborder le mois prochain, lors de notre Assemblée Générale, en gardant en mémoire ces paroles « …dans l’option lacanienne, l’éthique spécifie le champ analytique et prime sur la technique, tandis que la clinique, par ses imprévus, oblige à l’invention… »5

Alors, il ne nous reste plus qu’à te remercier de nous avoir proposé ce texte, très actuel, il ne reste plus qu’à inventer, avec quelques autres, cet avenir du G.A.R.E.F.P et bien sûr, notre prochain séminaire qui, nous l’espérons, se fera avec toi.

Marie-José CORENTIN-VIGON

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