La Femme “Potomitan” par Josiane DESROSES

La Femme “Potomitan” par Josiane DESROSES

 

Construction imaginaire ?  Construction symbolique ?

 

Son importance, sa fréquence dans le discours social .

 

Quels effets dans l’organisation subjective, repérables dans la clinique ?

° Pratique clinique

On peut observer une certaine fréquence de demandes sous la pression d’angoisses qui débordent le sujet avec l’urgence de « faire quelque chose », de s’en débarrasser.

 

Dans ces cas, c’est souvent l’extérieur qui est désigné comme étant la cause de ce malaise. Il s’en suit un « déballage », une suite d’événements pris dans un discours qui laisse peu de place à une mise en cause du sujet. La dimension de répétition dans l’enchaînement de ces événements n’est pas perçue ou entendue. Il y a comme une attente passive que l’autre auquel s’adresse le sujet, trouve la réponse pour en sortir ; comme une adresse à un Autre « consistant » auquel il va se confier pour en recevoir quelque chose en retour.

 

On peut noter la fréquence de ce type de demande qui en restent là, qui s’arrêtent, qui ne vont pas se déployer dans un travail de l’inconscient, dans un transfert se soutenant de l’incarnation du sujet supposé savoir dans l’analyste . Le sujet n’est pas en quête d’une « vérité » qui peut être entendue dans le mi-dire du discours, mais d’une vérité rattachée aux faits qui peuvent prendre consistance de « signes » en attente d’interprétations et d’un savoir particulier ( presque divinatoire ) qui pourrait y répondre.

 

L’absence d’une telle dynamique transférentielle peut aussi se repérer dans la clinique avec des enfants. Les parents présentent la difficulté de leur enfant comme un « trouble » avec une origine organique, neuro-psychique, ou autre, et non comme un symptôme qui pourrait être interrogé. La demande est alors de rééduquer, de redresser, voire de prescription de médicaments en cas d’ « agitation ». Là aussi, il s’agit de donner la solution qui va faire disparaître le « trouble ».

 

Il est à remarquer, dans certains cas, la position particulière de parents qui se présentent comme « tout-sachant » par rapport à leur enfant. Cette maîtrise peut  constituer une telle fermeture qu’il est parfois difficile de faire place à une petite brèche dans laquelle pourrait s’introduire le transfert.

 

 

  • * Le « Potomitan » désigne la poutre maîtresse qui  soutient  une habitation de type carbet.

 

  • *Une « femme potomitan » peut être définie comme une femme puissante, bien « debout », qui maintient le foyer comme la poutre maîtresse du carbet.

 

Lien social

 

Qu’est ce qui dans le lien social peut produire une telle répétition de ce type de demande avec cette difficulté de mise en place du transfert, soutenu par l’ analyste en place de sujet supposé savoir ? Pas le temps de prendre « les rênes du transfert », comme le dit Freud ; pas le temps pour que la demande  se fasse entendre autrement que dans son immédiateté et son urgence de réponse.

 

Dans la société Antillaise, le type de lien mis en place dans la structure familiale  est marqué par la place occupée par la femme et la mère, désignées comme « fanm potomitan ». Ce qui se traduit par un assujettissement à la figure maternelle. Dans la mise en place de la subjectivité, on pourrait penser à une prédominance des processus  d’aliénation avec un difficulté à trouver des modalités de séparation.

Nous savons que la structuration du sujet est déterminée par sa subordination au langage et par ses 1° identifications. Ce signifiant, « potomitan » qui occupe une place privilégiée dans le langage et dans le discours social, situe la femme et la mère comme « pilier » soutenant la structure familiale ainsi que la structure subjective.

La mère est souvent magnifiée, intouchable, prête à tous les sacrifices pour son enfant. En dehors de la mère, point de salut !!? Nous savons comment la dette n’en paraît que plus lourde et tout le poids de la culpabilité qui en découle pour l’enfant et plus tard pour l’adulte, ce qui ne fait que renforcer son assujettissement à la mère. Cet asservissement est entendu fréquemment dans la clinique aussi bien chez les femmes que chez les hommes. L’emprise de la mère demeure très présente.

 

Une question se pose : Ce signifiant qui circule dans le social ne viendrait-il pas « habiller » autre chose qu’on pourrait qualifier d’assujettissement à « la loi de la mère », à son désir et surtout à sa jouissance ? L’enfant reste alors l’objet de la mère.

Ce qui est entendu dans la clinique d’enfant actuellement, ne vient-il pas renforcer cette question, quand les mères qui consultent pour leur enfant peuvent tenir le discours suivant : « l’enfant est à moi …. c’est moi qui décide … je suis père et mère à la fois … ». Il arrive également qu’elles s’opposent à  la reconnaissance de l’ enfant par le père.

Comment l’enfant en place d’objet de jouissance de la mère, peut-il s’en séparer autrement que dans ces comportements violents que l’on peut observer chez certains d’entre eux ?

Cette position de toute puissance ne renvoie-t-elle pas, dans la constitution subjective, à un Autre – «  lieu de savoir dans lequel s’inscrivent   les signifiants de la langue maternelle et de la culture » – où le pouvoir de symbolisation du langage n’est pas très assuré ?

 

Dans ce cas, comment l’expérience analytique peut-elle contribuer à faire émerger par  la demande et le transfert, le sujet de l’inconscient et du désir ?

 

D’où une difficulté de mise en place d’un travail analytique : Quelle place du sujet supposé savoir dans la demande adressée à l’analyste ?

 

Ce sont là les quelques questions que je voudrais, pour l’instant, mettre au travail.

 

Josiane Desroses

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